Les arts du sabre sont nés de la nécessité de mettre au point des techniques destinées à tuer efficacement l’ennemi sur un champ de bataille.  Ils ont évolué vers des disciplines de vie, des Voies (do).  

 

  • Aux origines

Le sabre est profondément associé à l’histoire du Japon depuis que la déesse du soleil Amaterasu a confié trois trésors (dont une épée) au premier Empereur (mythique) Jimmu.

Les fouilles archéologiques montrent que les armes utilisées à l’époque Kofun étaient des épées droites à deux tranchants (Ken) semblables à celles trouvées en Chine, des lances ou des hallebardes. Les engagements mettent aux prises des troupes d’infanterie.

Avec l’importation des procédés métallurgiques de Chine et de Corée et l’intensification des échanges avec le continent durant la période Nara  (710-794), les fondeurs japonais vont petit à petit complètement intégrer ces techniques nouvelles et produire des armes d’un style purement autochtone.

Le combat à cheval va conduire à l’emploi d’un long sabre courbe (tachi ) de 1,30 m à 1,80m suspendu au côté par des lanières de cuir (le tranchant étant sur le dessus). L’armure elle aussi tient compte de cette forme de combat en étant constituée d’éléments mobiles reliés par des lanières permettant une grande liberté de mouvement.

  • L’avènement de la classe des guerriers

Le véritable avènement de la classe de guerriers (bushi) vient avec l’époque Kamakura  (11921333) et la nomination du premier shôgun (gouverneur militaire) Minamoto Yoritomo. Jusqu’à cette époque, les guerriers étaient aux services des nobles et de la cours impériale. C’est ce que traduit le terme de « samurai » = serviteur.

La fin de la période Heian  (794-1192) est marquée par la décadence de l’aristocratie et les intrigues de la cours (guerre de succession impériale en 1156) qui entraînent l’intervention des clans militaires Taira (Heike, ) et Minamoto (Genji, ). Ces deux clans s’affrontent de 1123 à 1166 pour le pouvoir. Les guerriers utilisent des longs sabres tenu à deux mains.

Jouant le rôle de protecteur de l’Empereur contre certains nobles et l’influence trop pressante des moinessoldats du Mont Hiei, le clan Taira (Heike) s’impose et exerce le pouvoir de 1160 à 1185. Cependant, par ses abus de pouvoir et l’écrasement sanglant de ses opposants Fujiwara et Minamoto en 1159, il dresse contre lui les autres clans. L’opposition se cristallise autour des Minamoto qui regroupent leurs armées à Kamakura en 1180. Défait plusieurs fois, le clan Taira est finalement détruit à la bataille navale de Dan-no-ura en 1185.

En 1192,  Minamoto Yoritomo est nommé shôgun par l’Empereur et installe sa capitale à Kamakura (au sudouest de l’actuel Tôkyô). L’ère Kamakura (1192-1333) marque un tournant dans l’histoire du Japon. Désormais l’Empereur et la cour impériale ne détiennent plus le pouvoir politique et ne vont plus assurer que des tâches religieuses. L’accession des guerriers à ce nouveau rôle dans la société japonaise va tendre à la création d’une structure féodale pyramidale ayant à sa tête le shôgun et reposant sur des seigneurs (daimyo) possédant des domaines de taille de plus en plus réduite jusqu’aux clans de guerriers sans terre formant leur troupes.

L’introduction du bouddhisme Zen au XIIe siècle et son expansion avec le soutien des seigneurs (locaux), va trouver un écho tout particulier auprès des guerriers par sa doctrine ascétique et pragmatique qui répugnait à tout rituel extérieur.

C’est à cette époque qu’apparaissent les premières écoles d’arts martiaux Kyu Jutsu (tir à l’arc), le Ken Jutsu (techniques du sabre), le Ba Jutsu (l’équitation) et le Kyu Ba Jutsu (le tir à l’arc à cheval) avec la constructions de forteresses et l’établissement de garnisons permanentes.

  • Epoques Muromachi-Momoyama

Les Ashikaga renversent les Minamoto en 1333 et ravagent Kamakura. Pour plusieurs siècles (jusqu’en 1603) le pouvoir politique revient s’installer à Kyôto. C’est le début d’une succession de périodes de troubles, de guerres entre grands seigneurs (Guerre d’Onin) ou de lutte de succession impériale (Cours du Nord contre cours du Sud) …

Les périodes muromachi et momoyama (du nom de quartiers de Kyôto où s’installent les généraux au pouvoir) marquent l’avènement de grands chefs de guerre dont le but est d’unifier le Japon. C’est tout d’abord Oda Nobunaga (1534-1582) qui s’impose sur les autres grands seigneurs et brise (1570-1580) le pouvoir des moines-soldats des sectes Tendai (Mont Hiei), shingon et Jôdo Shinshu (milices Ikko Ikki). Assassiné par un général félon, c’est son lieutenant Hideyoshi (1636-1698) qui le remplace et entreprend de désarmer les paysans. Ses tentatives de conquête de la Corée (voire de la Chine) en 1592 et 1598 sont des échecs.

Les forgerons japonais parviennent à un niveau d’excellence qui leur permet de créer des lames d’un acier sans égal jusqu’au XIX° siècle, grâce à des minerais de fer d’une rare qualité et à la mise au point de procédés de trempe particuliers.

Le sabre long (tachi) fait peu à peu la place à l’utilisation de deux sabres glissés dans la ceinture (obi) l’un légèrement plus court que le tachi (le katana) et une dague (le wakizashi).

C’est durant ces périodes troublées, que vont fleurir les écoles de ken jutsu dont certains styles nous sont parvenus, dirigées par des maîtres d’arme souvent au service d’un seigneur local.

Kamiizumi Nobutsuna (Hidetsuna, 1508-1577), fonde l’école Shin Kage Ryu (nouvelle école de l’ombre) après avoir étudié les styles Kage Ryu et Kasima Shinto Ryu. Il est le premier à utiliser un sabre en bambou recouvert de cuir (fukuro shinai) qui est l’ancêtre du shinai actuel. A 55 ans il transmet les secrets de son école à Yagyu Muneyoshi (1527-1606). Ce dernier après après avoir maîtrisé le style Toda Ryu, crée sa propre école Yagyu Shin Kage Ryu.

Itto Ittosai Kagehissa (~1540 – ~1643), est à l’origine de plusieurs branches de style itto ryu (un seul sabre) qui se sont transmises jusqu’à nos jours.

Son successeur Ono Jiroemon Tadaaki (1559-1628) exerçe ses talents aux services du shôgun Tokugawa Ieyasu et en même temps que Yagyu Munenori, le second maître d’arme des deux shôgun suivants Hidetada et Iemitsu.

Miyamoto musashi (1584-1645) est sans conteste le plus connu de tous les kengo (bretteurs). Il est l’auteur du « gorin no sho » (Traité des cinq anneaux) sur l’essence de l’art du sabre. Son école Niten Ichi Ryu, deux mondes dans un seul style, utilise deux sabres.

L’arrivée des portugais en 1543 introduit les armes à feu. L’utilisation des mousquets bouleverse l’art de la guerre et modifie l’architecture des châteaux qui s’adapte aux lois de la balistique.

  • L’unification du pays

La mort de Hideyoshi en 1598 relance la lutte pour le pouvoir. Le seigneur Matsudaira change de nom et devient Tokugawa Ieyasu. Rassemblant les seigneurs du Kanto (région actuelle de Tôkyô) il défait en 1600 à Sekigahara les troupes des grands seigneurs de l’ouest. Nommé shôgun en 1603, il fixe sa capitale à Edo (future Tôkyô). En 1614-1615 il met le siège devant le château d’Osaka et impose définitivement son pouvoir sur les fidèles du fils de Hideyoshi.

Durant plus de 250 ans (jusqu’en 1868) les shôgun Tokugawa vont dominer le Japon et instaurer la paix civile. La société est figée par des lois qui régissent la vie, la nourriture, les vêtements de chaque classe. La population est répartie en quatre catégories : samurai, paysans, artisans et marchands. Le Japon se referme sur lui-même (1635). Tout contact avec l’étranger est interdit (et puni de mort) sauf avec les chinois et les néerlandais dans le port de Nagasaki (île de Deshima).

De nombreuses écoles (près de 200) de ken jutsu se créent un peu partout et formalisent les techniques du sabre en l’absence de combat réels. Le sabre de bois (bokken) est utilisé pour étudier des formes figées de combat (kata).

Vers la moitié du XVIIIe siècle, c’est dans l’idée de pouvoir pratiquer les combats sans risquer des blessures graves voire la mort causés par l’utilisation de shinken (véritables sabres) ou bokken (ou bokutô, sabres en bois) qu’apparaissent les shinai puis des protections des poignets (kote) et les plastrons (dô).

  • L’occidentalisation accélérée

Le blocus de Edo par l’escadre de l’amiral Perry en 1853 confronte brutalement le Japon aux pays européens et à des sociétés industrielles modernes qui le pressent d’ouvrir ses ports au commerce et de cesser de mettre à mort les matelots naufragés.

La démission du dernier shôgun Tokugawa en 1868 met fin à une période troublée qui aurait pu dégénérer en guerre civile. Témoins du dépeçage de la Chine par les anglais, français, allemands et russes, les japonais font le choix de s’ouvrir aux techniques occidentales pour lutter à armes égales.

L’ère Meiji (1868-1912) est celle de la restauration du rôle politique de l’Empereur et d’une occidentalisation accélérée. La marine de guerre est construite sur le modèle de la Grande-Bretagne, l’armée de terre est instruite sur celui de la Prusse. Les techniques industrielles viennent de Grande-Bretagne, des USA, de Prusse ou de France …

Le changement brutal de société ne se fait pas sans heurt. La suppression des fiefs en 1871 transformés en préfectures, la conscription en 1873 et la création d’une véritable armée nationale de métier sont à l’origine de troubles paysans et de la révolte des samurais de Satsuma en 1877, tous écrasés par la nouvelle armée japonaise.

Le port des deux sabres (signe distinctif des samurai) est interdits. Les samurai deviennent des fonctionnaires, militaires ou des hommes d’affaires.

  • Les Dôjô de kenjutsu périclitent.

Cependant, suite à des troubles matés avec l’aide de pratiquants d’arts martiaux, une section de kenjutsu se crée dans la police métropolitaine de Tôkyô en 1879, pour enseigner aux policiers.

Le retour aux valeurs martiales accompagne la politique d’expansion du Japon   : invasion de Formose en 1895, guerre contre la Russie en 1904-1905 puis, invasion de la Corée en 1910). Les arts martiaux entrent dans les enseignements obligatoires au collège en 1911.

  • Du jutsu au Do

Du Kenjutsu au Kendo : après plusieurs mois d’études et de discussions approfondies, il fut publié en 1912 le Nihon Kendo Gata  tel qu’il est pratiqué actuellement (ou au moins à peu près car il a depuis été modifié partiellement à plusieurs reprises).

Du iaijutsu au iaido : Nakayama Hakudo sensei (1869-1958), après avoir étudié différents courants, mis au point l’école définitive qu’il appela Muso Shinden Ryu au début des années 1930

La dérive nationaliste durant les années 30-40, conduisit l’interdiction des arts martiaux durant l’occupation américaine. En 1952, se crée la Fédération Japonaise de Kendo (Z.N.K.R).

En 1962, l’enseignement du Kendo est de retour dans les collèges et lycées.

En 1964,  le Budokan grand centre d’arts martiaux est construit à l’occasion des JO de Tôkyô.

En 1967, se tient le premier tournoi international à Tôkyô.

En 1994, création de la Fédération Française de Battodo (F.F.B).

 

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